samedi 1 février 2020

Le vent se lève (2014) - Miyazaki

(revu en salle)
S’il n’y avait que des films comme ça, me dis-je à la sortie, le monde se porterait moins mal… Pourtant le monde du film n’est pas au mieux : un tsunami, une guerre, une grave maladie… Mais toujours des actes et des paroles -de la part des hommes, des femmes, de la Terre, du vent- allant dans le sens d’une profonde dignité. C’est pour ça qu’il est si merveilleux, ce film : la concordance de tout ce qui peuple le monde vers un élan de vie morale. « Je ferai de mon mieux » répète inlassablement le héros ; et il s’exécute. Et avec lui les éléments, malgré les chocs, les douleurs, les tremblements. Qu’elle est belle cette séquence du train où le souffle d’une première brise annonciatrice fait s’envoler le chapeau du héros jusque dans les mains d’une fille qui sera l’amour de sa vie. Puis juste après le séisme, le train qui déraille, la ville à feu et à sang, et lui qui aide comme il peut, dans un faux silence où résonnent les vrombissements dévastateurs des craquements de la Terre. Ou plus tard une bourrasque, un parapluie s’échappant des mains de la fille depuis le haut de la colline pour se diriger vers lui, en bas, qui l’attrape et le retient comme il peut -on sent la force du vent et le poids de l’objet-. On pourrait y voir le signe d’un romantisme appuyé, mais je crois que si signe il y a, sa seule formulation est celle donnée par le film lui-même, avec ses personnages, citant Valéry : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre. ». Rarement les forces telluriques et cosmiques ont été rendues sensibles avec une telle intensité au cinéma : du déchirement des ailes d’un bolide aérien lancé à pleine vitesse aux loopings imprévisibles d’un petit avion de papier virevoltant au bas d’une fenêtre, de la destruction sourde et brutale d’une ville à la pénétration soudaine de quelques flocons de neige dans un sac de couchage. Tout existe et mobilise une expérience physique entière. Le spectateur mis en présence de la matière (miracle de ces traits qui redessinent l’enveloppe charnelle du monde). Le vent se lève, donc, -se lève vraiment- et nous souffle à l’oreille le sens de la vie ; une direction éthique de l’air qui passe, creuse des vides entre l’un et l’autre qui alors se regardent, se parlent, se donnent la main, rêvent et meurent dans l’amour, cet amour étant aussi écoute de l’amour de l’autre. S’accorder au mouvement de la vie, même quand il est violent, triste, douloureux, tenter de vivre au gré du vent qui se lève. Oui, il le faut.

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