Étonnement face au silence dans lequel était projeté le film. Il m’arrive régulièrement de regarder des films muets sans activer le son lorsque je suis chez moi, mais c’est la première fois que j’assistais à une séance organisée ainsi en salle (remplie d’une centaine de personnes, qui plus est). Drôle de sentir la gêne provoquée par ce silence imposée, les toussotements, les grincements des sièges, les chuchotements par instants… Pour ma part c’est une expérience que j’ai beaucoup apprécié ; j’aime le silence, je crois.
Quant au film, il démarre fort, les dix premières minutes sont impressionnantes, très rocailleuses. Plein de plans sur le phare où on le sent si dur et imposant, grand bloc de pierre planté là au beau milieu de la mer, sur lequel vient s’abattre le tumulte des vagues. Quelque chose de monumental, qui m’évoque le cinéma de Pedro Costa. Et toujours les efforts physiques chers à Grémillon : le poids d’un sac balancé à l’arrière de son dos, l’enclenchement des manivelles du phare… Malheureusement, le film se perd un peu par la suite dans une intrigue psychologique, avec un héros excédant de folie et des « images mentales » qui vont avec pour marteler le spectateur. Il s’inscrit dans une tendance du cinéma français des années 1920, stoppée nette avec l’arrivée du parlant (ce film-là en est peut-être le dernier représentant) qui visait à figurer par l’image et le montage les tourments de l’âme, à coup de grandes métaphores et d’effets en tout genre. Moi, ça me barbe un peu, et je dois bien avouer que je suis surpris de voir Grémillon se prêter à ce jeu-là (bien qu’il s’en sorte pas trop mal, Gardiens de phare n’est pas vraiment un mauvais film), d’autant que deux ans plus tard -avec le son cette fois- il réalise le sublime La petite Lise, pour moi l’un des plus beaux films qui soient.
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