Il y a un sentiment que je trouve délicieux au cinéma, c’est celui de découvrir en même temps que le film une ou deux directions possibles de la fiction. Comme une synchronisation miraculeuse entre le travail du spectateur et celui du film en train de se faire. Une vie suspendue est alors un film de tous les délices, en ce sens qu’il ne cesse de se laisser surprendre, sans ne jamais prendre la moindre avance et avec le même étonnement que celui qui regarde, par les multiples petits bouts d’histoire(s) retrouvés ça et là au gré des déambulations de son personnage. Vie suspendue à un corps qui passe en funambule, et danse, grimpe, sautille, se joue de tout, au beau milieu d’un monde en ruine (Beyrouth pendant la guerre civile). Puis un rêve de jeune fille rencontre un fantasme d’artiste vieillissant, alors il y a frôlements, oscillation, croisement de deux désirs qui ne se touchent jamais. Elle marche sur la pointe des pieds, dans une espèce de légèreté sublime, comme si l’espace flottait ; lui reste assis, avachi, puis se relève pour un dernier coup de théâtre avant de s’effondrer -et elle de poursuivre son errance en apesanteur comme si de rien n’était. Que faire d’autre quand la guerre ne daigne plus s’arrêter ? Il n’y a plus que cette insouciance-là pour résister (ou c’est la mort, comme lui) : jouer la vie à pile ou face, faire d’un pont, d’une plage ou de bâtiments ravagés des lieux de distractions ou terrains d’inventions. Refaire le monde à partir de quelques résidus de fiction. Ce film-là n’est peut-être rien d’autre que cela : l’utopie d’un théâtre enfantin dans les vestiges d’une ville anéantie, où de petits pas pleins de grâce suffisent à réenchanter un sol dévasté.
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