Je me promène dans les rue de Rennes et j’aperçois en passant deux artisans devant la porte ouverte d’une maison, sans doute en pause (on entend depuis l’intérieur le bruit des travaux). L'un a sa main appuyée sur la chambranle d’en face (son bras barre l'entrée), le bassin légèrement courbé. L'autre se trouve à un petit mètre, il fume, il se tient droit mais d'une droiture non-conventionnelle, qu'on sent pensée par le corps pour sa stabilité. L'un comme l'autre semblent guidés instinctivement par leurs corps : il n'y a ni gène, ni pose, ni cérébralité dans la posture.
Dans un groupe d'étudiants il y a toujours une sorte de gaucherie : on se tient comme ça parce qu'il le faut, parce qu'une certaine idée de la norme nous l'a dicté, plus ou moins consciemment. Mais dans un inconfort ; le corps est vécu comme une contrainte (il faut faire avec). J’y sens comme un manque, non pas de vie mais de pensée, c'est-à-dire d'attention à ce qui vit. Attention qui ne passe pas nécessairement par un esprit qui aurait le contrôle ; tout vibre (tout pense). Pour que le corps trouve cette ferme liberté, si belle, que j'ai vu chez les deux ouvriers, il a besoin d'une pleine écoute, d'une conscience de sa propre existence. Sentir qu'on a des pieds, des mains, des muscles, des os, de la peau partout, et les sentir ensemble, d'instinct, cela demande une forme de laisser-vibrer. Et il me semble que la voir, et la dire, cette forme, revêt une certaine importance. Car elle décèle une beauté première et nécessaire qu’on a tendance aujourd’hui à oublier, sinon à mépriser.
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