mercredi 6 février 2019

Green Book (2)

Green Book (Farrelly, 2019) à nouveau, parce que je suis absolument enchanté qu’un tel film puisse exister aujourd’hui (et rencontre un tel succès). J’y reviens encore, mais pour moi il y a vraiment quelque chose qui tient du cinéma. C'est-à-dire une façon de faire avec les conventions sans les subir, et parvenir à faire exister intensément une histoire toute simple, sans la sublimer, l'esthétiser, la maniérer, etc... Simplement en mettant en lumière avec beaucoup de pudeur et d'attention la beauté qui s'y cache. Et ça me réjouit d'autant plus que je croyais qu'il n'était plus possible de faire des films comme ça aujourd'hui (trop de conscience de tout, du monde, du cinéma, de son histoire, des petites statuettes qui vont être empochées aux Oscars…). 

En France, on fabrique beaucoup de petits films qui tirent leur beauté de leur modestie et de leur simplicité. Mais la plupart du temps ce sont des films de cinéphiles (Bozon, Ropert, Brisseau, Léon...), et ça se voit car pour parvenir à leurs fins ils s'engagent dans une lutte contre leur cinéphilie, contre le cinéma-même, pour ne pas se faire écraser, pour faire des films qui ont quelque chose à voir avec le monde et qui ne sont pas simplement enfermés dans une rhétorique cinéphilique. Mais, du coup, ces films-là sont un peu en-dehors du cinéma, ils prennent de la distance, parce qu'ils ont trop conscience de ce qu'est le cinéma pour se faire avoir par ses pièges.
Tandis que Green Book (et là on voit que c'est un film américain et pas français) semble considérer qu’il n’y a pas de pièges. C'est un film qui épouse le cinéma, ses habitudes, ses conventions... Sans faire pour autant ce que Biette appelait (dès les années 70) du "cinéma filmé" et qui est une vraie plaie aujourd'hui. Parce que ce qui intéresse probablement Farrelly, ça n'est pas de "faire du cinéma" (ni même de délivrer un message -beurk !-) mais plutôt de raconter une histoire, de filmer des personnages... Et de les aimer, ces personnages ! C’est une question de croyance, sans doute, de croyance d’enfant, de croyance innocente, qui fait corps avec le savoir-faire de l’adulte. C’est peut-être ça, le cinéma.

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