samedi 4 janvier 2020

Notre dame (2019) - Donzelli

Film boulimique. Plein de petites idées dans tous les sens, certaines drôlement fines (les parisiens de mauvaise humeur se mettent des claques au hasard dans la rue, et c’est devenu banal), d’autres justes et brèves (le « salut les filles ! » de l’ado boutonneux s’adressant à sa sœur et sa mère en débarquant le matin dans le salon ; l’applaudissement légèrement trop tôt, avorté illico, de l’ami avant le discours public de Donzelli), et d’autres encore un peu balourdes (l’ex-compagnon collant qui revient dans l’appartement après une crise de cœur et se trimballe à poil à longueur de journée), voire carrément pénibles (l’avocate hystérique, qui finit par mourir d’un infarctus au moment d’entamer son discours au procès). Puis aussi les migrants au coin de la rue, les militaires laxistes (sauf quand ça les concerne), une charge gentille envers le journalisme, la politique ou le patronat… bref, ces petites choses dont on ne sait trop si elles sont prise en charge de la société actuelle ou caution « parisianisme contemporain ». Et tout ça s’enchaîne à toute allure, on n’a pas le temps de dire « ouf », on est contraints à suivre le rythme foutraque du stress bouillonnant de l’actrice-réalisatrice -parfaite dans son rôle : agitation modérée, anxiété refrénée, accélérations fractionnées-, jusqu’au trop plein : trop de trucs, trop vite, besoin de souffler. Et film sans doute bientôt déjà oublié.
J’ai pensé récemment qu’il y avait toujours, dans la moquerie, l’expression d’une oppression. On rit de l’autre dans sa différence et dans son caractère minoritaire. C’est un instrument très puissant (car banalisé et univoque) de ghettoïsation. C’est pousser l’autre dans ses retranchements, l’isoler dans une identité raillée car marginale -et donc captive dans sa marginalité-même, que l’on tolère à condition que son asservissement au pouvoir reste visible et incontesté. 

Puis me vient à l’esprit Howard Hawks, qui a inventé, au sein d’un cinéma majoritaire (Hollywood), une forme de dérision minoritaire. Par l’humour, il a retourné contre elle-même la force oppressive et l’a faite chuter. La moquerie, chez lui, est toujours adressée à ce qui est au-dessus, en plein exercice de son autorité. Hawks en montre les failles, il souligne tout aspect pouvant être raillé. Comme, notamment, la virilité. Elle est une expression majoritaire, une norme si l’on veut, acceptée, acceptable, a priori supérieure, mais dans les films de Hawks elle se trouve ridiculisée. C’est, par exemple, Humphrey Bogart entrant dans la chambre de Lauren Bacall dans Le Port de l’angoisse, le dos non pas légèrement transpirant comme le voudrait un certain idéal masculin, mais dégoulinant de sueur, si excessivement virilisé que la virilité finit par s’écrouler. Et l’on s’en amuse, riant moins de Bogart que de la convention, dont l’absurdité nous saute alors aux yeux (l’inverse même de John Huston, cinéaste normé et dominant qui dans Le faucon maltais fait entrer Bogart dans la chambre de Bacall avec juste ce qu’il faut de moiteur au visage pour exalter le parfait modèle de masculinité). Il m’a toujours semblé que Hawks, pourtant bourgeois américain de droite, était l’un des cinéastes les plus subversifs, et je crois que sa subversion vient de ce geste-là, qui s’apparente à un croque-en-jambe malicieux faisant tomber le grand à hauteur du petit. On a beaucoup dit à son propos que c’était un cinéma « à hauteur d’homme », et c’est peut-être là une façon de signaler que tout ce qui est un peu au-dessus, tout ce qui exprime une relation de pouvoir, soit un mouvement du haut vers le bas, est instinctivement sapé pour que chaque chose trouve sa place au sein du plan dans une parfaite égalité.

jeudi 2 janvier 2020

Isn't Life Wonderful (1924) - Griffith

Grandeur de Griffith. Humilité, dignité. Attention aux choses concrètes : seule dans la cuisine, une femme s’écroule, malade de voir celui qu’elle aime souffrir dans la pièce d’à côté. Des coups de craie sur un tableau pour signaler la hausse des prix, et le visage de plus en plus désœuvré de la femme qui attend dans la file, et finit par s’en aller, abattue, car elle n’a pas assez d’argent… La joie débordante d’un couple à la découverte de leur toute petite maison de bois. Ils gigotent, sautillent, tournent autour. C’est une bicoque minuscule mais c’est leur lieu à eux (il y a leur nom, et quelques premières fleurs en guise de décoration). On voit aussi le couple labourer la terre, galérer à traîner son chariot rempli de patates à travers la forêt… Puis s’arrêter pour souffler et reprendre des forces auprès des feuilles bruissant dans les arbres (quel contre-champ merveilleux que ce mouvement des cimes qui illumine les deux visages fatigués…). Et puis ce personnage en marge du récit qui ne cesse de danser, bizarrement mais avec habileté, regardé par le film avec une infinie tendresse. Le soin accordé par Griffith à ses personnages est bouleversant… Comme lorsque l’amoureux revient de la guerre : toute la famille est dans le salon, puis un plan vient soudain isoler le visage de la femme. La pièce est alors placée hors-champ, le film choisit d’accompagner seulement l’émotion intense de l’amoureuse, qui prime sur le reste à cet instant et à elle seule comble l’espace du plan. 

Beaucoup de parallèles, de contrastes, de jeux d’écho d’un plan à l’autre. Les choses concrètes si chères à Griffith s’opposent l’abstraction de la guerre (trop ordonnée, vue de très loin, signalée par un simple « War ») et de la crise financière (qui n’existe que dans le texte, via des cartons). Au tout début du film, suite aux plans de la guerre, la caméra se rapproche des gens, des survivants, des estropiés, et nous montre leur misère. C’est le début de la fiction, le premier souffle de vie du film, et le contraste est terrassant. Comme ce motif de la pomme de terre, qui vient s’opposer directement aux spéculations financières. Il y a là de la matière, qu’on tire de la terre, qu’on remue, qu’on donne… Lorsque le plat est déposé sur la table, plein à ras bord, fumant, une joie immense s’empare de tous les personnages. Ils s’empressent de partager le repas, ils se servent à volonté. Le père mange trop vite et avale de travers ; tout le monde pointe son doigt en l’air, lui lève donc la tête pour regarder, ce qui lui permet de digérer. La séquence dure longtemps, c’est un moment extraordinaire, et tout le monde, ensuite, se met à danser.

mercredi 1 janvier 2020

2020, jour 1

Mon année 2020 a commencé sous le soleil : de retour de Privas, où j'ai fêté le nouvel an chez un ami du lycée, j'ai parcouru en stop les routes d'Ardèche, émerveillé comme à chaque fois par les extraordinaires vues de la vallée de l'Eyrieux, ses couleurs, ses reliefs, ses vieilles maisons à flanc de collines, ses petits murs de pierre au bord de la route... Profondément touché, je crois, par la façon dont les humains qui sont venus habiter là sont parvenus à préserver la sauvagerie du lieu, en construisant ce qu'ils avaient à construire en fonction de la nature, en s'adaptant à l'harmonie du paysage. L'humain, ici, est à sa juste place : des teintes de gris, de jaune, de marron ; quelques formes parfaitement dans le ton du mouvement à l'oeuvre en ce lieu. La route qui va de Privas au Cheylard est peut-être la plus belle que j'ai parcouru de ma vie... Et je mesure depuis quelques années seulement le privilège que j'ai eu de naître et vivre dans ce département. (je m'imagine bien, aux alentours de mes 30 ans, emménager près des Ollières, dans une bicoque en pierre au bord de la rivière, et méditer, écrire et peindre mon amour de ce paysage qui m'aura accueilli...)

Pour 2020, je songeais depuis quelques semaines à m'éloigner un peu des différents réseaux que je fréquente sur internet. Prendre mes distances avec tous ces lieux de cinéphilie, qui m’écœurent de plus en plus, et sont de moins en moins raccord avec la place occupée par le cinéma dans ma vie. Ce sont des monastères culturels, idolâtres et isolés. Moi, j'ai besoin d'être dans le monde, et je regarde des films pour ça : pour le voir, l'entendre, sentir un peu de sa présence et de son souffle. Pour me faire à l'idée qu'il y a un espace à occuper, un Autre à regarder. Et toutes ces notes, ces listes, ces considérations de spécialistes... ont beau m'amuser, elles me confortent aussi, je crois, dans ce petit rôle encombrant de cinéphile que j'aimerais alléger. Quelques films et cinéastes dans ma besace, qui m'accompagnent au quotidien (Boetticher, Jerry Lewis, Straub-Huillet, Buffy contre les vampires...), mais pas de boulimie, pas de trop de cinéma, pas de lutte obsédante non plus contre une petite-bourgeoisie culturelle qui a de toute façon conquis depuis longtemps la cinéphilie, et y est aujourd'hui trop bien installée. Seulement un chemin de vie à tracer, une marche à continuer, avec mes compagnons de route, peut-être cinéastes, peintres, philosophes, écrivains... mais aussi amis, famille, et paysages que j'aime. Tous ceux pour qui j'éprouve la vive gratitude de m'avoir montré deux ou trois choses du monde que je travailler à habiter.

Une résolution simple m'est venue ce matin : patienter. Ralentir encore le rythme, me former à la tranquillité. Trouver une vitesse fluviale, qui je crois me siérait. Ecrire, peindre, ne pas prendre le temps mais le laisser passer, m'éroder. C'est vraiment ce mot-là, patience, qui est venu se glisser soudainement dans mon corps dès le réveil et y résonne depuis avec une grande évidence. Cet après-midi d'auto-stop sous le soleil ardéchois m'a procuré une immense joie, et il me semble que cette joie-là, si pleine, si lumineuse, avec l'image qui l'accompagne pour en garder une trace (l'inoubliable vallée de l'Eyrieux), sont le phare idéal pour guider mon année, que j'espère tranquille et mouvementée.

samedi 26 octobre 2019

La perle du Pacifique Sud

- mystère de ce cinéma de Dwan qui semble tenir tout seul, qui enchante toujours sur le moment mais reste assez peu en mémoire. Cinéma mineur jusqu'au bout. Mineur aussi dans le sens de "pas encore adulte", pas encore de droits dans la société, entièrement dépendant du tuteur Hollywood. Alors on invente une fable où l'on rejoue le monde des adultes, avec sa cupidité, sa violence, qui pénètrent dans le lieu de l'enfance, à l'innocence préservée. Dans La perle du Pacifique Sud la préservation est assurée par un tuteur, encore, hyper-conscient mais bienveillant. Dwan lui-même, faisant son cinéma ? En tout cas ce monde merveilleux a quelque chose de confortable et presque idéal. Il y a un bonheur, un vrai bonheur de spectateur, qui ne repose ni sur le suspense ni sur la séduction ni sur une quelconque satisfaction ; c'est une sobre plénitude de cinéma (à ce propos, lire ce joli texte : https://theballoonatic.blogspot.com/2009/12/les-rubis-du-prince-birman.html ). Les hommes occidentaux, les (faux) religieux, et bien sûr l'argent tentent tous de l'attaquer mais rien n'y fait, le bonheur persiste. Seulement il ne persiste que le temps du film, et disparaît bien vite. Il faudrait peut-être, pour être réellement accompagné par les films de Dwan, vivre soi-même un peu dans sous la tutelle du cinéma. Être soi-même mineur, enfant rêveur. Comment y parvenir ? Difficile à dire... Dwan ne donne aucune clé, son secret est bien gardé, il ne nous dévoile que la fable qui nous fait rêver.

- quoi de réel, quand même, dans ce rêve-là de cinéma ? Autrement dit, qu'est-ce qui tient ? Toujours la même chose : le décor et les acteurs. Je me souviens avoir noté dans un coin à la suite de ma découverte de La reine de la prairie : "petit théâtre de la nature". Ça me semble définir son cinéma. Dans La perle du Pacifique Sud un bateau, une chambre, une cour, une cabane, et surtout un point d'eau. Puis quelques hommes, au moins quatre importants, ainsi qu'une troupe d'intervenants, et évidemment Virginia Mayo, immense et merveilleuse actrice. On pourrait raconter le film comme l'histoire d'une femme qui se prend d'affection pour son rôle, à tel point qu'elle finit par refuser l'argent qu'elle aurait pu gagner grâce à lui et choisit de s'installer définitivement dans le théâtre qui l'a révélée. Pour elle et pour l'eau, le film vaut déjà le coup, parce que Dwan sait les filmer, avec une affection pudique, très modestement exprimée (mais tout de même, si on plonge si souvent, ce n'est pas pour rien !). Ce qui tient aussi, c'est une certaine idée de la morale. Une vraie morale de l'innocence et de l'enfance, avant sa perversion par la publicité qui en a fait naïveté et infantilisme (Spielberg). Soit : les "valeurs humaines" (en gros : bienveillance, gentillesse, modestie, amitié), si l'on prend soin de les préserver, seront toujours plus fortes que les diverses oppressions qui tentent de s'y opposer. Elles sont primitives, voire naturelles, et anéantissent ou dissolvent par la seule affirmation de leur existence les rapports de force du corps social (comme chez Ozu).

- La discrétion, la "petitesse", et l'infinie politesse de se retirer très vite de la mémoire du spectateur, viennent peut-être de là : une hantise des jeux de pouvoirs et de dominations qui va jusqu'au refus de toute emprise possible sur le spectateur. Aussi : une prudence pour les personnages, que l'on préserve du monde. Virginia Mayo reste sur son île, et dans le film. Si l'on veut la revoir, la seule solution est d'y revenir, car Dwan a distillé dans sa recette secrète un élixir de l'oubli, afin de disparaître corps et âme aux yeux de ceux qui s'en vont loin du cinéma.

mardi 22 octobre 2019

Escape to Burma

- entretient un rapport étrange avec les conventions. Elles ne bénéficient pas de cette acceptation sereine qui caractérise les meilleurs films de Dwan (sauf peut-être si l’on s’en tient au découpage : les champ/contre-champs simplissimes sont légion, toujours beaux comme si le geste technique venait d'être inventé). Pour le reste c'est soit trop conventionnel au point que c'en devient ringard et vulgaire (le premier échange de regards très appuyé, Barbara Stanwyck qui tombe faiblement dans les bras virils de Robert Ryan...), soit ça ne l'est plus du tout et le film explore des choses tout à fait étranges et insolites. Avec les animaux, notamment : un éléphant improvise une danse, un singe vient s’endormir aux côtés de Stanwyck... Ce qui est surprenant, c'est que les plus belles scènes du film sont ces bizarreries-là, soient les moments les moins "dwaniens", chez un cinéaste dont la beauté provient presque toujours de l'amitié sincère (pour les acteurs et les décors) qu'il exprime par son geste très modeste de mise-en-scène. Ce qu'on pourrait appeler un ardent désir de cinéma. Mais ici ce sont les à-côtés, tout ce qui sort du petit théâtre mis en boîte (ce qu'on nomme cinéma, dans sa définition la plus simple), mais qui a été inclus quand même, par pur plaisir. Les moments Hawks, en somme (sept ans avant Hatari ! qui ne sera fait que de ces moments-là). 

- très poussif au début, d'un néo-colonialisme gênant, et très misogyne aussi. Puis ça bouge un peu quand arrive le personnage du flic. Là il se passe des choses, tout est plus impliqué. On sent Dwan beaucoup plus à l'aise quand il y a deux hommes à filmer : l'amitié ça le connaît, d'autant qu'ils sont loin d'être amis, ces deux-là, au départ... ce qui fait un défi de cinéma à relever : il faut qu’on voit la relation évoluer. Et le personnage de Barbara Stanwyck trouve sa place à partir de là aussi, sa voix grave et affirmée (plus que les mots qu'elle prononce, déjà oubliés) occupe l'espace et tient à distance les deux corps masculins (lorsqu'elle se tait, ils se bagarrent). A trois, l’équilibre est plus stable qu’à deux, tout circule mieux (Dwan, cinéaste du poli-amour ?). 

- d’ailleurs, l'espace existe surtout grâce au son dans ce film. Tourné intégralement en studio, le décor a quelque chose de très artificiel, mais la vérité du lieu tient aux respirations de la nature savamment -et très simplement- restituées. On est loin du paysage resplendissant de La reine de la prairie ou Au bord de la rivière, et loin aussi de l'habileté architecturale de Quatre étranges cavaliers ou L'aigle des frontières, mais une certaine atmosphère locale existe quand même, par le travail sonore.

- très belle idée de confier le dénouement du récit à un personnage dont on a annoncé la mort au début du film : cela lui donne, malgré son absence, une "trajectoire morale", tout en permettant de rééquilibrer les forces en présence. On finit par célébrer l'héroïsme de Robert Ryan (comme par compensation après les coups infligés), mais surtout on parvient à réconcilier tout le monde sans ne causer de tort à personne, ce qui n’était pas gagné, et en offrant même une mort tragique et digne à un personnage que l'on croyait sèchement assassiné.


mercredi 9 octobre 2019

Chambre 212

Le nouveau Honoré est un film riquiqui. Charmeur mais à peine charmant. Honoré s'essaie à un vaudeville cinéphilisé, une sorte de Guitry pop, avec flocons de neige, draps bleu clair et piano romantique pour décorer une rue et maquiller les faux émois de trois personnages et demi qui, hélas, existent à peine. Les acteurs sont très biens : Camille Cottin peut-être un peu en-dessous, mais Chiara Mastroianni toujours d'une assurance mûre extraordinairement séduisante, jurant bien sûr avec la nonchalance respective de Biolay et de Lacoste, beaux acteurs eux aussi, à leur façon, dont la complicité aperçue au détour d'une scène ou deux offre peut-être les moments les plus vivants du film. Tout le reste, ou presque, ne sort jamais du texte, entendu pas simplement comme lignes de dialogue mais plus globalement comme idée pré-écrite du film, si appliquée à l'écran qu'elle fait écran à toute vie possible. Plaire, aimer et courir vite était consternant dans ses moments les plus dramatiques, mais offrait parfois à Vincent Lacoste un certain espace pour respirer et faire respirer le film avec lui (seul un grand acteur a le souffle pour ça). Ici même lui est soumis à l'autorité d'un scénario trop bien ficelé pour autoriser le moindre écart d'un acteur, le moindre appel d'air d'un personnage. Il n'existe que le petit monde fermé de Christophe Honoré, qui n'intègre aucun corps, aucun vent extérieur, et qui en plus, tristesse, n'a même pas la clairvoyance du jeu des sentiments. On perçoit une influence vecchialienne (et on voit la référence à H. James, explicitement cité) mais il y a, chez Vecchiali comme chez James, une subtilité, une délicatesse et surtout un mystère qui mettent en mouvement le système planifié. Dans Encore (Once More), que Honoré adore, le dispositif virtuose (des plan-séquences en continu) et les dialogues méticuleux se plient et se déplient au contact des acteurs, seuls regardés, et aimés, par la caméra. Les désirs et les sentiments circulent d'un corps à l'autre, la mise-en-scène fait danser le scénario. Et le monde que l'on voit n'est plus petit et seul : ce sont des mondes qui se déploient, spacieux, pleins de vie, échappant de toute part à Vecchiali, qui s'applique seulement à en assurer l'harmonie. Le monde de Chambre 212 est minuscule parce qu'il n'accueille jamais autre chose que de tous petits mots, et un insignifiant désir de cinéma. C'est un film qui ne vit pas.

« La chaleur des meules devint si forte qu’on ne pouvait plus s’en approcher. Sous les flammes dévorantes la paille se tordait avec des cré...