mercredi 9 octobre 2019

Chambre 212

Le nouveau Honoré est un film riquiqui. Charmeur mais à peine charmant. Honoré s'essaie à un vaudeville cinéphilisé, une sorte de Guitry pop, avec flocons de neige, draps bleu clair et piano romantique pour décorer une rue et maquiller les faux émois de trois personnages et demi qui, hélas, existent à peine. Les acteurs sont très biens : Camille Cottin peut-être un peu en-dessous, mais Chiara Mastroianni toujours d'une assurance mûre extraordinairement séduisante, jurant bien sûr avec la nonchalance respective de Biolay et de Lacoste, beaux acteurs eux aussi, à leur façon, dont la complicité aperçue au détour d'une scène ou deux offre peut-être les moments les plus vivants du film. Tout le reste, ou presque, ne sort jamais du texte, entendu pas simplement comme lignes de dialogue mais plus globalement comme idée pré-écrite du film, si appliquée à l'écran qu'elle fait écran à toute vie possible. Plaire, aimer et courir vite était consternant dans ses moments les plus dramatiques, mais offrait parfois à Vincent Lacoste un certain espace pour respirer et faire respirer le film avec lui (seul un grand acteur a le souffle pour ça). Ici même lui est soumis à l'autorité d'un scénario trop bien ficelé pour autoriser le moindre écart d'un acteur, le moindre appel d'air d'un personnage. Il n'existe que le petit monde fermé de Christophe Honoré, qui n'intègre aucun corps, aucun vent extérieur, et qui en plus, tristesse, n'a même pas la clairvoyance du jeu des sentiments. On perçoit une influence vecchialienne (et on voit la référence à H. James, explicitement cité) mais il y a, chez Vecchiali comme chez James, une subtilité, une délicatesse et surtout un mystère qui mettent en mouvement le système planifié. Dans Encore (Once More), que Honoré adore, le dispositif virtuose (des plan-séquences en continu) et les dialogues méticuleux se plient et se déplient au contact des acteurs, seuls regardés, et aimés, par la caméra. Les désirs et les sentiments circulent d'un corps à l'autre, la mise-en-scène fait danser le scénario. Et le monde que l'on voit n'est plus petit et seul : ce sont des mondes qui se déploient, spacieux, pleins de vie, échappant de toute part à Vecchiali, qui s'applique seulement à en assurer l'harmonie. Le monde de Chambre 212 est minuscule parce qu'il n'accueille jamais autre chose que de tous petits mots, et un insignifiant désir de cinéma. C'est un film qui ne vit pas.

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