jeudi 2 janvier 2020

Isn't Life Wonderful (1924) - Griffith

Grandeur de Griffith. Humilité, dignité. Attention aux choses concrètes : seule dans la cuisine, une femme s’écroule, malade de voir celui qu’elle aime souffrir dans la pièce d’à côté. Des coups de craie sur un tableau pour signaler la hausse des prix, et le visage de plus en plus désœuvré de la femme qui attend dans la file, et finit par s’en aller, abattue, car elle n’a pas assez d’argent… La joie débordante d’un couple à la découverte de leur toute petite maison de bois. Ils gigotent, sautillent, tournent autour. C’est une bicoque minuscule mais c’est leur lieu à eux (il y a leur nom, et quelques premières fleurs en guise de décoration). On voit aussi le couple labourer la terre, galérer à traîner son chariot rempli de patates à travers la forêt… Puis s’arrêter pour souffler et reprendre des forces auprès des feuilles bruissant dans les arbres (quel contre-champ merveilleux que ce mouvement des cimes qui illumine les deux visages fatigués…). Et puis ce personnage en marge du récit qui ne cesse de danser, bizarrement mais avec habileté, regardé par le film avec une infinie tendresse. Le soin accordé par Griffith à ses personnages est bouleversant… Comme lorsque l’amoureux revient de la guerre : toute la famille est dans le salon, puis un plan vient soudain isoler le visage de la femme. La pièce est alors placée hors-champ, le film choisit d’accompagner seulement l’émotion intense de l’amoureuse, qui prime sur le reste à cet instant et à elle seule comble l’espace du plan. 

Beaucoup de parallèles, de contrastes, de jeux d’écho d’un plan à l’autre. Les choses concrètes si chères à Griffith s’opposent l’abstraction de la guerre (trop ordonnée, vue de très loin, signalée par un simple « War ») et de la crise financière (qui n’existe que dans le texte, via des cartons). Au tout début du film, suite aux plans de la guerre, la caméra se rapproche des gens, des survivants, des estropiés, et nous montre leur misère. C’est le début de la fiction, le premier souffle de vie du film, et le contraste est terrassant. Comme ce motif de la pomme de terre, qui vient s’opposer directement aux spéculations financières. Il y a là de la matière, qu’on tire de la terre, qu’on remue, qu’on donne… Lorsque le plat est déposé sur la table, plein à ras bord, fumant, une joie immense s’empare de tous les personnages. Ils s’empressent de partager le repas, ils se servent à volonté. Le père mange trop vite et avale de travers ; tout le monde pointe son doigt en l’air, lui lève donc la tête pour regarder, ce qui lui permet de digérer. La séquence dure longtemps, c’est un moment extraordinaire, et tout le monde, ensuite, se met à danser.

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