Grand mélo hollywoodien qui prend pour sujet la Révolution française. Toujours étonné par cette faculté propre au cinéma américain, née de Griffith d’ailleurs (et de DeMille), de regarder l’Histoire des autres et d’en tirer ce qu’il peut y avoir d’universel avant de la faire sienne, comme si à travers elle c’était l’Histoire américaine qui s’écrivait. Il y a bien sûr quelque chose de pervers dans ce geste d’appropriation (mais une histoire appartient-elle à qui que ce soit ?), mais aussi une forme d’humanisme extraordinaire dans l’idée que ça donne de la fiction : un événement qui concerne chacun, comme la genèse du monde humain (la Bible, modèle ultime pour Hollywood).
Puis il faut dire aussi que Griffith est particulièrement adroit pour passer du général au particulier, pour circuler de la petite à la grande histoire. Je dirais même que je ne lui connais aucun équivalent dans le cinéma, personne qui n’ait montré avec autant de justesse comment l’événement collectif, pris dans sa pleine importance, était déjà, d’abord, un moment de la vie de chacun.
J’ai suivi le film un peu distraitement (hélas !), mais ai tout de même été stupéfait par le jeu de Lilian Gish. Tout chez elle est insaisissable et débordant, irréductible au dire. Pas exactement naturel mais pas tout à fait joué non plus. Exigu (intime, délicat), logé entièrement dans la fragilité de son corps, et parfois seulement de son visage, sans la moindre impression de vastitude -bien au contraire. Et pourtant, le sentiment que ce visage condense les vibrations du monde entier. Comme si elle détenait la connaissance instinctive d’innombrables variations émotives, qui sillonneraient son corps en permanence et ajusteraient les traits de son visage pour trouver la note la plus juste à chaque situation, quitte à ce qu’il puisse y avoir en un instant une prolifération d’affects qui multiplient à l’infini les directions possibles -jusqu’à toucher, lors de précieux moments, à l’idéal miraculeux de tout acteur : l’absence totale de direction.


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