lundi 14 janvier 2019

Faisons un rêve...

Stupéfait devant le moment où l’homme et sa femme débarquent dans l’appartement au début de Faisons un rêve… (1936) de Sacha Guitry. Ils entrent dans la pièce, ne bougent pas, et déclament leur texte avec un sérieux amusé. La caméra est située à une certaine distance (de sorte qu’on voie les deux corps dans le décor) et reste plantée là, fixement, attentivement, à les regarder jouer. Le cinéma comme plaisir de filmer le théâtre, et rien d’autre. 

Je repense alors à L’amour par terre (1984) de Jacques Rivette, débutant par une scène savoureuse de théâtre d’appartement que l’on suit aux côtés d’une bande de spectateurs-comploteurs qui semblent s’être glissés là par effraction. Le plaisir est le même, mais est accompagné cette fois d’une forme de complicité perverse. 1936 – 1984 : le cinéma est passé par là. Il a étouffé le théâtre (c’est un suicide) avant d’y revenir à petit pas, à l’écoute de ses respirations malades mais trop conscient de l’atrocité de son crime pour le filmer à nouveau innocemment. Rivette, cinéphile, a compris grâce à Hitchcock qu’on ne pouvait plus faire comme si le spectateur n’était pas au courant. 

L’homme et la femme se séparent. Chacun fait le tour de la pièce -toujours en discutant-, puis ils se réunissent à nouveau dans le cadre. Guitry continue de filmer leur jeu, tranquillement (le texte file à toute allure). Le plaisir est toujours là, intact, primitif et délicieux. 

(À part ça, on parle beaucoup et vite tout en bougeant très peu -on pense fort aux Straub-. Notons d’ailleurs que les gestes des personnages sont toujours commentés ou commentaires, tout est soumis à la parole. Pour autant l’espace existe, les corps aussi. C’est que la parole habite le plan et lui donne vie, c’est elle qui fait corps
(À part ça², un homme monologue dans une pièce pendant plus de 15 minutes. Le texte est sympathique ; la scène est fascinante)

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