Vu Crazy Rich Asians, de John M. Chu. C’est un film qui a au moins le mérite d'être assez admirablement construit et rythmé dramatiquement. Il y a un certain savoir-faire pour raconter des histoires que peu de metteurs en scène ont encore, même aux États-Unis ('suffit de voir le dernier film des frères Coen, six petits contes -donc censés reposer sur une certaine solidité narrative- et c'est chaque fois très mal fichu, les enjeux sont amenés laborieusement, tout baigne lourdement dans le cliché... il n'y a pas du tout l'aisance et la limpidité entraînante de Crazy Rich Asians, dans lequel tout est posé clairement et rapidement dans un soucis d'économie plutôt rafraîchissant).
Mais bon, une fois qu'on a dit ça et qu'on a salué la générosité et l'honnêteté du film (ce qui fait déjà trois qualités non-négligeables !), il faut reconnaître qu'il ne reste plus grand chose... La simplicité assez belle des enjeux et des personnages aurait sans doute nécessité un travail de densification (par la présence des corps et de l'espace, par une mise en tension vivante de ce qui se joue "sur le papier"). Ici la mécanique est bien huilée mais elle reste encore très mécanique, si bien que l'émotion passe assez peu dans les plans, qui sont un peu trop encadrés, trop méticuleux, qui manquent d'air peut-être. Disons que ce n'est pas suffisamment musical, que le film tient davantage du sport que de la musique : on se met en condition avec rigueur, mais que fait-on ensuite de cette condition ? Tout le monde est beau, tout le monde est riche, tout le monde a bien fait son sport (même notre héroïne, censée être pauvre et moche, est une très jolie professeur d'université à New York, on a vu plus prolo quand même !), mais ça manque de grincements et de décalages, de quelque chose qui enraye la mécanique depuis l'intérieur (comme dans un film de Blake Edwards) ou que la mécanique permet humblement de sublimer (comme dans un film de McCarey). Là la route est tracée, si tracée que l'avion du retour tant annoncé n'est même pas pris, et on n'ose plus quitter les riches de Singapour... (j'aurais préféré que ça se termine par un mariage à la bonne franquette dans un petit boui-boui new-yorkais !).
En fait ce que je trouve dommage c'est que le côté clinquant que le scénario semble proposer d'envoyer valser joyeusement, et bien le film tel qu'il est se contente de le repousser poliment tout en lui faisant de l’œil.
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