jeudi 19 avril 2018

Capitaine sans peur - Raoul Walsh


Capitaine sans peur, ou comment l'irruption d'une femme dans un environnement masculin transforme un film d'aventure maritime pour le moins ronflant en une superbe histoire d'amour impossible. Oublions donc les cinquante premières minutes et les multiples coups de canon de ce gros lourd d'El Supremo et (re)gardons le reste : quelques échanges de regards déchirants de passion, la tendresse doucement dévoilée d'un capitaine viril, un baiser caché dont on a la chance de partager le secret, et un personnage qui apprend à faire coexister son devoir de marin avec ses sentiments (autrement dit, qui prend conscience de la nécessité d'une rencontre entre le corps et l'esprit). Walsh, maître dans l'art d'ancrer la présence d'un corps dans un espace, brille ici par la justesse avec laquelle il filme l'absence : sidérante déambulation d'un fantôme à la lecture d'une lettre ; troublant Gregory Peck qui, après avoir perdu sa (ou plutôt ses) femme(s), est là sans être là, l'esprit ailleurs (à l'endroit de son cœur), isolé au beau milieu de décors artificiels que le cinéaste prend un malin plaisir à faire sauter les uns après les autres. C'est comme si Walsh, à travers l'évolution de son personnage dans la seconde partie, parlait de son propre film. D'abord perdu et un peu terne, puis retrouvé grâce au surgissement d'un contraste fort (pour le film c'est l'arrivée de la fille ; pour le personnage l'attaque de son bateau et la mort d'un proche) qui créé une dialectique nouvelle et revivifiante (homme/femme, mort/vie, corps/esprit, présence/absence). Bancal et imparfait, donc, mais intéressant et parfois même très beau.

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