jeudi 19 octobre 2017

Dialogue entre Vieille âme et Hadrien à propos de Comédie de l'innocence



Hadrien : Je viens de regarder Comédie de l'innocence. Ça m'a vaguement évoqué les derniers Oliveira, comme Singularité d'une jeune fille blonde ou L'étrange affaire Angelica, notamment dans le rapport à l'Art, et dans l'héritage hitchcockien. D'ailleurs j'ai aussi pensé à Lynch, mais tout compte fait je ne trouve pas ça si lynchéen que ça, parce que ce qui aurait pu renvoyer à son cinéma c'est tout le rapport à la dualité, mais en fait Comédie de l'innocence, contrairement à Mulholland Drive ou Twin Peaks, ne joue jamais vraiment la carte de la dualité, de l'opposition entre deux forces. Je l'ai cru au début, mais petit à petit je me suis rendu compte qu'il n'était pas question de double mais de triple, il y a constamment trois forces, et c'est un film sur le décalage (voire l'absence) de l'une de ces trois forces. C'est un film sur la recherche d'un équilibre, qui est toujours un équilibre "triangulaire", si je puis dire. D'ailleurs la toute fin c'est un peu la révélation de cette idée, l'apparition de la troisième pièce, absente jusqu'alors, et l’apaisement dû à un équilibre retrouvé.

Mais l'idée du double est toujours là quand même, sauf que ce qui semble intéresser Ruiz c'est moins le double en lui-même que la troisième pièce qui vient s'immiscer, dans l'entre-deux. Pour reprendre une image du film (l'une des plus belles), ce qui compte réellement ce n'est pas le visage d'Huppert d'un côté et celui de Balibar de l'autre mais la rivière qui fait le lien entre les deux.


Vieille âme : Ah je ne voyais pas exactement ça... Plutôt la confusion des figures. Enfin si l'on veut parler de ce rapport entre Balibar et Huppert. Après ce qui m'intéresse le plus dans le film c'est plutôt le rapport au réel. Il y a un passage qui est assez parlant à ce propos, avec ce plan particulièrement :



Enfin c'est à reprendre dans le contexte du montage etc bien sûr. Mais à ce moment-là il créé avec l'espace une distance entre les personnages telle qu'on a véritablement l'impression (et c'est pas juste un signe ce jeu d'espace, c'est quelque chose qui se sent, et d'autant plus que c'est un sentiment de pure étrangeté que ça suscite, enfin dans mon cas) qu'Isabelle Huppert est absolument seule, il y a une scission dans l'espace vraiment très violente (et c'est un peu le sentiment général du film que ce passage retranscrit, Huppert qui perd ses moyens, ses appuis, l'identité des choses n'est plus claire, les choses s'embrouillent...), on voit bien que l'espace de Ruiz c'est une question de rapport entre les personnes et la réalité, et de réalité de l'autre (et de soi-même).

D'ailleurs il y a un autre passage qui m'a vraiment marqué, c'est vers la fin, quand Balibar est en train de filmer un banc je crois, elle est avec l'enfant et elle le cherche dans le champ de la caméra, en disant un truc comme "où es-tu, je ne te vois pas". Ce passage en dit beaucoup sur ce rapport-là, l'attachement, la distance, les frontières du réel etc...




Conversation du 18/09/17 à propos de Comédie de l'innocence, film français de Raoul Ruiz sorti en 2000. 

lundi 9 octobre 2017

Trois images


Dimanche dernier, j'ai fait un tour au musée des Beaux Arts de Rennes. Ce fut très dense, il y a beaucoup (trop) de choses à voir... J'ai restreint ma visite à quelques salles, je n'ai pris le temps de regarder que ce qui n'était pas contemporain (le reste, ce sera pour plus tard...). Je me suis demandé pourquoi autant d’œuvres si riches étaient regroupées dans un si petit endroit. Pourquoi l'art -ou en tout cas cet art- était réservé aux musées ou aux galeries. Pourquoi toutes ces œuvres ne sont-elles pas dispersées dans la ville, exposées aux yeux de tous et de façon plus "aérée" ?

Sur le moment, j'avais noté une vingtaine de titres de tableaux m'ayant intéressé d'une façon ou d'une autre. Aujourd'hui, trois se détachent particulièrement dans ma mémoire.

Solitude, de Paul Serusier. 


La Reine Blanche de Castille délivrant les prisonniers, de Louis Julien Jean Aulnette du Vautenet


Enfants jouant avec les oiseaux, de Pierre Cazes.

« La chaleur des meules devint si forte qu’on ne pouvait plus s’en approcher. Sous les flammes dévorantes la paille se tordait avec des cré...